Argument N°3
La durée de vie augmente, le travail doit faire de même : faux !
D‘abord, l’espérance de vie n’est pas en constante augmentation. Celle des Français stagne même depuis quelques années et, surtout, l’espérance de vie en bonne santé se révèle assez mauvaise comparée aux autres pays européens. Ensuite, l’espérance de vie n’est pas la même pour tout le monde, et c’est notamment à cause de leur travail que certaines catégories de la population vivent moins longtemps. Les ouvriers ont ainsi 6 ans d’espérance de vie de moins que les cadres. Certaines pratiques, comme le travail de nuit, qui s’est fortement développé depuis les années 1990, ont un impact notoire sur la durée de vie des personnes concernées. Les plus pauvres sont les plus touchés par la mortalité précoce. Selon le chercheur Alessio Motta, à 65 ans, un tiers des 5% les plus pauvres sont déjà décédés, contre 6% des 5% les plus riches. Plus on augmente l’âge de départ à la retraite, moins les pauvres peuvent y l’atteindre.
Les chiffres publiés par l’INSEE en 2018 montre que l’espérance de vie en bonne santé en France est de 64,1 ans pour les femmes et de 62,7 ans pour les hommes. Ces deux chiffres se situent juste au niveau de ou en dessous de l’âge pivot voulu par le gouvernement : cela signifie qu’on a toutes les chances d’arriver à la retraite en mauvaise santé, et donc de ne pas pouvoir en profiter… Plus les conditions de travail sont difficiles, plus les salariés vieillissent mal, victimes d’incapacité à travailler à la suite de maladies professionnelles ou d’accidents du travail (La France détient le record européen en ce domaine) bien avant d’arriver au moment de la retraite.
S’ajoute le problème de l’emploi des seniors pour parvenir à un chiffre de la DRESS (organisme statistique rattaché au ministère de la santé), seules 58% des personnes arrivés à la retraite sont en situation d’emploi au moment d’y parvenir. Les autres sont en incapacité, au chômage ou, de plus en plus rarement, en préretraites. Pour compléter le tableau, les femmes sont plus pénalisées que les hommes. Elles sont 51% à avoir connu, après 49 ans, une trajectoire avec des années de non emploi (chômage, maladies, absences etc.) et donc des droits à la retraite dégradés, contre 46% des hommes. Enfin, la question de la santé et de sa prise en charge ne doit pas être oubliée, pas plus que celle de la souffrance au travail. En 20 ans, entre extension des déserts médicaux et casse organisée de l’hôpital public, la qualité des soins a baissé, essentiellement pour les couches de la population les moins favorisées.
En tout, près du tiers des personnes qui arrivent à la retraite dans le système actuel sont susceptibles d’avoir des droits à la retraite moindres et de devoir travailler après 62 ans. Reporter le départ à 64 ans ou plus ne ferait qu’empirer la situation Encore plus de personnes n’y parviendront pas, et auront des retraites très dégradées. Et pas n’importe qui : les femmes plus que les hommes, les ouvriers et employés plus que les cadres. L’injustice est flagrante.
Seule la productivité augmente avec constance (depuis les années 1950 !). Face à l’urgence climatique et au changement de modèle de production et de consommation qu’elle appelle, il serait logique de profiter de cette donnée pour ralentir le rythme. Le retour de la retraite à 60 ans constitue une vraie solution pragmatique face aux enjeux actuels.