Argument N°1 :
Travailler plus pour sauver le système de retraites : faux !
C’est le principal argument présenté par le gouvernement en faveur de sa réforme, alors pourtant que le système des retraites affiche un excédent budgétaire pour la deuxième année consécutive (900 millions d’euros en 2021 et 3,2 milliards en 2022). Pourtant, en 2019, le motif avancé pour tenter d’instaurer une retraite par points n’était pas celui de la finance mais de l’équité entre les salariés (seul le régime spécial de la police échappait à l’uniformisation). Plus récemment, il s’agissait moins de sauver le système de ses déficits que de pouvoir financer d’autres dépenses publiques ; « l’école, la santé, le climat » hasardaient alors les promoteurs de la réforme, qui n’était que le moyen de dégager des ressources pour financer des politiques publiques qui, sinon, devraient l’être par l’impôt, par essence impopulaire. A présent, c’est donc de la survie des retraites qu’il serait question.
Pourtant, le dernier rapport du Comité d’Orientation des Retraites présente 4 scenarii possibles de trajectoires budgétaires pour notre régime de retraite, et un seul présente de forts déficits, sans qu’il y ait péril en la demeure. Daté de septembre, il affirme (écrit en toutes lettres en page 9) que “Les résultats de ce rapport ne valident pas le bien-fondé des discours qui mettent en avant l’idée d’une dynamique non contrôlée des dépenses de retraite”. C’est donc l’organisme créé dans les années 2000 et utilisé pour donner une caution scientifique aux réformes successives le dit : la seule justification de cette réforme est politique et idéologique, certainement pas financière. Ce genre de projections comporte de plus des limites importantes puisqu’elles ne tiennent pas compte d’éventuels changements systémiques forts comme ceux liés à la crise climatique ou à un changement de système économique, dont on ne peut pas connaître l’impact sur l’équilibre du régime.
A en croire la Première ministre, si rien n’est fait, ce sont plus de 100 milliards d’euros de dettes supplémentaires pour notre système de retraite dans les dix prochaines années. Comme l’explique Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO et membre du Conseil d’orientation des retraites, il n’y a rien de plus faux. « Je rappelle qu’il y a cinq ans, le Comité d’Orientation des Retraites voyait les années 2020, 2021, 2022 déficitaires, expliquait-il au Parisien en décembre dernier. Pas de chance les années 2020, 2021 2022 sont excédentaires et pas qu’un peu, de trois à quatre milliards (NDLR : alors quand la Première ministre argumente avec une prévision sur 10 ans, il y a de quoi être dubitatif). Ça veut dire que les projections que fait le Comité d’Orientation des Retraites peuvent se tromper. En fait, le déficit qui serait annoncé par le gouvernement entre 10 et 12 milliards par an, c’est 0,5 % du produit intérieur brut, et ce PIB français en 2021, c’est 2 500 milliards d’euros. Ça veut dire que c’est peanuts. » Surtout si l’on compare aux aides aux entreprises, c’est-à-dire 144 à 157 milliards en fonction de ce qu’on compte les exonérations ou pas, soit 9% du PIB. Le reste, c’est un choix de société et ce choix, FO ne peut pas le cautionner.
Dernier point, loin de contribuer à faire des économies, la réforme proposée gonflera la note pour les finances publiques. Selon l’édition 2022 du rapport de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) sur les retraites et les retraités, la réforme va bel et bien peser sur les dépenses publiques. Retarder l’âge de départ en retraite de deux ans revient à leur ajouter une facture de 5 milliards d’euros : 1,3 milliard sur l’assurance chômage (pour les seniors qui ne partent pas en retraite mais restent sans emploi) et 3,6 milliards pour les prestations sociales, l’AAH (allocation adultes handicapés) et l’invalidité. Pour un départ en retraite à 65 ans, l’addition passe à 7,5 milliards d’euros…